Le Brésil, pays en développement, est une des plus grandes économies du monde. Depuis quelques années, le pays a vu l’arrivée des géants du numérique, les « Big Tech ». Tandis que ces entreprises sont souvent considérées comme étant au-dessus des lois, un projet de loi brésilien leur impose de nouvelles obligations qui ont fait grincer des dents dans la Silicon Valley.
Décryptage en quatre sous-parties.
1. La Loi Brasileira de Liberdade, Responsabilidade e Transparência na Internet
La Loi Brasileira de Liberdade, Responsabilidade e Transparência na Internet (Loi sur la liberté, la responsabilité et la transparence sur Internet) a été approuvée en août 2018 par le gouvernement fédéral du Brésil. Un projet de loi complémentaire a été présenté en juin 2020 et adopté en début de l’année 2021.
Ce texte oblige les réseaux sociaux à divulguer le montant dépensé pour promouvoir du contenu ainsi que les critères de choix des publicités ciblées. Les plateformes doivent également supprimer les contenus signalés comme faux et les informations considérées comme malveillantes.
De plus, les entreprises doivent fournir des rapports périodiques au gouvernement sur les mesures prises pour limiter la propagation de fausses informations, de discours de haine, de propension à l’automutilation et de la pornographie infantile.
2. Les réactions des Big Tech
Les Big Tech ont vivement réagi à l’adoption de cette loi. Face à l’impossibilité de suivre toutes ces mesures, Google, Facebook, Twitter ou encore WhatsApp envisagent de quitter le pays. Les entreprises estiment que cette nouvelle obligation constitue une « menace pour les droits de l’homme et la démocratie ». Elles sont convaincues que cette loi remet en question leur modèle économique et porte atteinte à la confidentialité des utilisateurs.
Les utilisateurs brésiliens accusent également le gouvernement d’utiliser la loi comme un moyen de censurer les informations qui les dérangent. L’inquiétude est d’autant plus grande que Jair Bolsonaro, le président du Brésil, est connu pour son mépris pour les médias et sa volonté de contrôler les informations.
Cette situation rappelle la bataille juridique que se livrent Apple et le gouvernement américain depuis plusieurs années maintenant, avec la demande de création d’une porte dérobée (backdoor) pour accéder aux données cryptées contenues dans les iPhone. Les Big Tech sont pourtant des acteurs majeurs du développement numérique dans le monde et ont un fort pouvoir économique. Il faut donc être vigilant quant à la place qu’elles occupent dans la vie de tous les jours.
3. Un choix stratégique pour le Brésil
Le Brésil a pris le parti d’être plus strict en matière de régulation des plateformes numériques. Cette décision peut être interprétée comme un choix stratégique pour contourner l’hégémonie des Big Tech sur les données personnelles et protéger les utilisateurs de ces plateformes.
Le pays se situe actuellement au cinquième rang mondial concernant le nombre d’utilisateurs sur les réseaux sociaux. Ce projet de loi permettrait de réguler les comportements abusifs et de répondre aux critiques de la population qui se dit souvent dépassée par la quantité d’informations publiées sur les réseaux sociaux.
L’objectif est donc de limiter la désinformation en ligne, de protéger les utilisateurs et de promouvoir une culture de transparence et de responsabilité chez les Big Tech.
4. Vers une harmonisation internationale
Ce projet de loi brésilien pourrait constituer un exemple pour d’autres pays qui cherchent à mettre un peu d’ordre dans la jungle numérique. Actuellement, la réglementation varie d’un pays à l’autre, ce qui complique la tâche des utilisateurs souhaitant contourner les restrictions relatives à l’accès à l’information sur les réseaux sociaux.
De plus, ces requêtes de réglementation sont appelées à se multiplier, car Internet est devenu un véritable enjeu démocratique. En effet, les élections peuvent être influencées par la propagande ou la diffusion de fausses informations sur le web.
Afin d’harmoniser la réglementation et de faire face aux changements technologiques rapides, il est important de mobiliser les différents acteurs, gouvernements, sociétés civiles, entreprises, organismes spécialisés, etc. pour discuter et débattre de la protection des utilisateurs en ligne. Une législation internationale est donc plus que jamais nécessaire pour mettre un peu d’ordre dans l’un des grands sujets du siècle.
Les Big Tech ont pris une place majeure dans nos vies, au point que certains considèrent aujourd’hui qu’elles ont plus de pouvoir que les États. Face à la multiplication des dérives en ligne, il est important de réfléchir à la réglementation des réseaux sociaux et de mettre en place des mécanismes pour protéger les utilisateurs.
Le projet de loi brésilien peut faire figure d’initiative intéressante dans cette optique. Cependant, il est essentiel que les pouvoirs publics travaillent en concertation avec les entreprises concernées pour trouver un juste équilibre entre liberté d’expression, confidentialité des utilisateurs, transparence et responsabilité.